Shakespeare nous a donné une image durable de César. Pompée s’est présenté comme la seconde venue d’Alexandre le Grand. Mais quand il s’agit du mystérieux troisième homme qui a tiré les ficelles et fait tourner les engrenages de la politique dans la Rome du premier siècle avant JC, Marcus Licinius Crassus n’a que lui-même à blâmer pour l’obscurité historique.
Dix-huit ans après avoir attiré l’attention du public pour avoir mis fin à la révolte de Spartacus, l’ancien banquier de César et ancien chef d’État de Rome est parti pour le Tigre et l’Euphrate avec des plans impérialistes fous d’annexion de la Parthe à Rome. Une vie autrement confortable de richesse et de privilèges s’est terminée avec la tête de Crassus utilisée comme accessoire sur une scène parthe. Peter Stothard décrit la vie de ce Romain d’âge moyen arrogant, gonflé d’ego et chic dans Crassus, sa biographie mince et sans vergogne du contemporain moins connu mais non moins influent de César et Pompée.
Stothard qualifie le « premier magnat » de l’histoire de Crassus, mais d’après les détails de la vie de Crassus, il est difficile de ne pas le considérer comme un anti-héros archétypal et un dinosaure de l’ère classique : un magnat de l’immobilier qui a acquis sa richesse en profitant d’immeubles effondrés à Rome , un coureur de jupons « accusé d’avoir séduit une vestale vierge » et un homme d’affaires qui était particulièrement « innovant dans sa compréhension du capital humain », dit Stothard, notant le penchant de Crassus pour « acheter et former les plus intelligents des esclaves » pour qu’ils deviennent ses gestionnaires immobiliers. Si l’écriture historique a détourné l’attention des privilégiés et des puissants ces dernières années, planant sur la vie des étrangers et des exclus, Crassus arrache ce pendule directement de sa prise.
Il y a une raison pour laquelle la vie de Crassus s’est toujours révélée si séduisante à la fois pour l’imagination des romanciers et pour l’examen minutieux des universitaires. En proie à l’incertitude quant au statut de citoyenneté des communautés locales de la péninsule italienne – dont beaucoup vivaient sous l’autorité romaine mais manquaient de représentation à Rome – et confrontées à une liste de défis nationaux résultant de l’acquisition par la République de cinq nouvelles provinces d’outre-mer, la première moitié du Ier siècle av. J.-C. inaugura une ère de concurrence acharnée et de partisanerie zélée d’où surgira l’Empire romain.
Ce que propose le livre de Stothard est un instantané rapidement exposé du «choc de l’ego et de l’ambition» de ce monde en mutation alors qu’il tournait en dysfonctionnement. Nourrir la manie générale de l’époque était la perspective de charrettes de trésors volés dans les provinces conquises et les rêves de richesse personnelle montant en flèche.
L’orientation générale du récit est claire alors que Stothard nous conduit de la jeunesse de Crassus, sur «la route de Carrhae», et au désastre national qui s’est déroulé là-bas dans les sables de Parthia. Ne vous attendez pas à beaucoup d’aide en cours de route. Vous devrez faire le tri de la politique de Marius et Sylla par vous-même, pour comprendre les racines du conflit qui a conduit à l’attaque de Sylla à la Colline Gate de Rome en 82 av. Le temps narratif accélérera, puis glissera vers l’arrière. Crassus approche la trentaine, partisan de la marche de Sulla sur la capitale, quand on entend parler d’une bataille en Gaule pendant son enfance, 24 ans plus tôt. Des contemporains intrigants de Crassus, comme les riches femmes romaines nées libres dont les stratégies clandestines les ont aidées à subvenir aux besoins de leurs maris à court d’argent pendant ces années inhabituelles de la fin de la République, nous en entendons très peu.
« Les hommes devraient apprendre de l’expérience, respecter leurs aînés et atteindre le sommet en temps voulu », écrit Stothard, tentant de transmettre à un esprit du XXIe siècle l’omniprésence, sinon l’oppression, de l’idéologie paternaliste qui a façonné le monde de Crassus. . Le premier écrivain ancien à tenter de retrouver ces vies et ces époques fut le biographe impérial Plutarque, et la structure de Stothard a largement suivi le modèle de Plutarque : la première moitié de son livre se concentrant sur la formation du personnage de Crassus, la seconde une pièce maîtresse prolongée dans le désert, rempli de discussions sur les tactiques de tir à l’arc parthe, aboutissant à la défaite du général condamné.
Stothard s’appuie fortement sur les qualités de son sujet comme une sorte de consultant en gestion et de sorcier financier tout comme, d’une certaine manière, Plutarque, dont Crassus était considéré comme « plus un homme d’affaires qu’un général », même sur le champ de bataille. Stothard appelle Crassus un « planificateur méticuleux », « un perturbateur secret », un homme qui « se targuait de comprendre le risque » et qui exerçait « le pouvoir par l’argent » jusqu’à ce que l’invasion parthe mal planifiée de 53 av. J.-C. ait tout anéanti.
Lorsqu’il arriva en Parthie peu de temps avant sa mort, dit Plutarque, il n’y avait «pas une seule chose qui poussait en vue, pas un ruisseau, pas un signe d’élévation du sol, pas un brin d’herbe». Il y avait une mer de sable et rien d’autre », une fin sombre pour un narcissique de longue date dont la cupidité a provoqué sa propre destruction.
Crassus : le premier magnat
Pierre Stothard
Yale University Press 184pp 19,99 €
Acheter sur bookshop.org (lien affilié)
Douglas Boin est professeur d’histoire à l’Université Saint Louis et auteur de Alaric le Goth (WW Norton, 2020).
Parutions sur un sujet similaire:
Bâtiment restauré par Eugène Viollet-le-Duc.,Le post d’actualité.. Suite sur le prochain article.
Sites historiques et culturels majeurs protégés au niveau national (Shaanxi).,A lire ici.
Les ICC Notes de l’Institut canadien pour la conservation.,L’article ICI.