Il est dans l’ordre des choses que la Révolution veuille réguler le pouvoir de l’Église qui fut, depuis Clovis, le soutien de la royauté de « droit divin ». L’Assemblée Constituante promulgue la constitution civile du clergé le 12 juillet 1790. Parce qu’ils l’ont refusée, 700 prêtres seront déportés et une centaine mourront en déportation. Mais, comme la majorité des Rouergats, les paroissiens villeneuvois furent largement solidaires de leur clergé et s’efforcèrent de le protéger, comme leurs monuments et leur mobilier religieux.
Les serments exigés des prêtres
La Constitution civile du clergé stipule que les biens ecclésiastiques soient sécularisés et les vœux religieux supprimés et instituent une nouvelle église constitutionnelle. Les ecclésiastiques doivent prêter le serment suivant : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse (ou du diocèse) qui m’est confiée, d’être fidèle à la Nation, à la Loi, au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi. En 1791, le pape Pie VI condamne cette constitution civile qui soustrait le clergé français à son autorité. À partir de cette date, le clergé se divise en « jureurs » ou assermentés » qui acceptent de prêter le serment civil et peuvent continuer à exercer et « réfractaires » ou « insermentés » qui le refusent et feront l’objet de persécutions.
Le sort des curés du Villeneuvois
Au moment de la Révolution, Villeneuve compte 5 paroisses : Villeneuve bourg, Toulongergues, Mayrinhagues, Le Rey et Septfonds.
À Septfonds, le curé, M. Calmels, est réfractaire. Il est en phase avec un certain nombre de paroissiens farouchement opposés à la constitution civile du clergé, parmi lesquels un certain Agrech, riche propriétaire, qui dissimule le patrimoine religieux de la paroisse pour le soustraire aux réquisitions. Le 24 juin 1794, il est autorisé à se retirer à Villeneuve à la condition expresse de renoncer au sacerdoce et d’exercer la profession de cultivateur.
M. Lavergne, curé de Mayrinhagues, prête le serment à la constitution civile du clergé, le 18 février 1761 et continue d’exercer. Le curé du Rey, M. Moly, lui prête aussi serment mais de façon restrictive : « je jure d’obéir à la loi et de l’observateur dans tout ce qui ne sera pas contraire à la loi de Dieu et de l’église « . M. Grimal, suspendu,obtient en 1795 l’autorisation d’exercer à Toulongergues. Les presbytères de Septfonds, du Rey et de Toulongergues sont réquisitionnés et loués à des particuliers.
Antoine Caville, natif de Villeneuve, docteur en Théologie, curé de Villeneuve depuis 1754, refuse de prêter serment à la Constitution. Il est reclus à Rodez, en dépit de l’hommage vibrant qui lui est rendu publiquement par l’Assemblée Municipale, le 3 avril 1795 et de sa réputation de bienfaisance envers les pauvres. Le 18 juillet, A. Caville accepte de « jurer » et sort de prison. Il est alors placé en résidence surveillée dans sa propre maison, face au presbytère actuel, sans pouvoir exercer son ministère. À sa mort en 1814, il lègue la somme de trente mille francs aux pauvres de la paroisse.
Prêtre réfractaire
Le père Delbès, prieur dominicain de Montauban, fut un prêtre « bartassier » : réfractaire, il se cache à la campagne, au domaine de Filhol, chez son neveu. Il est accueilli au château de Ginals, tout proche, où il célèbre la messe dans la chapelle privée. C’est lui qui va préparer à la 1re communion la petite Émilie de Rodat, confiée à la châtelaine, Mme de Pomairols, sa grand-mère. Déclaré par un métayer, il est incarcéré et condamné à la déportation en octobre 1794. Il survivra et reviendra en Rouergue.
Les religieuses hospitalières de Villeneuve, suspectées de sympathie pour les réfractaires, furent arrêtées le 26 avril 1794 et placées sous la surveillance très sévère d’un « geôlier » dans l’ancienne maison du curé.
Une opinion divisée
À partir de 1793, l’Assemblée municipale est sommée par la loi de livrer l’argenterie des paroisses au Comité de Salut Public, d’ôter les croix et les cloches des clochers, de détruire les croix situées à l’extérieur. Mais cela déplaît à une partie importante de la population et des autorités locales traînant les pieds. Il faut prendre un nouvel arrêté en 1798 pour « enlever tous les battants de cloches… et tous les signes extérieurs du Culte ». Mais le patrimoine de l’église de Villeneuve (statues, tableaux, retables) n’a subi aucune dégradation.
Une des conséquences durables de cette période de mutation et de tensions sera la division de la population locale en « culs blancs », favorables au clergé réfractaire, et en « culs rouges », plus favorables aux idées révolutionnaires. Cette division augure des choix politiques qui opposeront les citoyens villeneuvois au siècle suivant.