C’était le 15 avril 1874, dans les anciens ateliers du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris. Berthe Morisot, Edouard Degas, Claude Monet ou encore Auguste Renoir se rassemblaient sous forme de société anonyme coopérative pour ouvrir la première exposition impressionniste, un mouvement qui allait changer à jamais le cours de l’histoire de l’art.
En 2024, le 150e anniversaire de cette première exposition sera célébré bien au-delà de Paris. Le musée d’Orsay, qui abrite la plus vaste collection au monde d’œuvres de ce mouvement qui allait révolutionner la peinture, va en effet prêter pendant plusieurs mois 178 de ses tableaux couvrant un large spectre temporel, allant même puiser dans les périodes pré et post-impressionnistes avec des tableaux de Daubigny ou Manet et jusqu’à Bonnard. Ces œuvres vont quitter les quais de l’ancienne gare pour voyager dans 34 musées partout en France. Parmi eux, celui des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon.
Relation amicale, artistique et financière entre Monet et Courbet
Le Déjeuner sur l’herbe de Claude Monet étend sa nappe à Besançon. Depuis le 24 février, le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie accueille pour un prêt exceptionnel le fragment central de l’œuvre de l’artiste, réalisé entre 1865 et 1866. Dans cet immense tableau, découpé en trois parties par le peintre – un des trois morceaux a d’ailleurs disparus – quatre personnages installés dans une clairière, dont l’un présente certains traits communs à Gustave Courbet, natif d’Ornans, à 25 kilomètres de la capitale franc-comtoise.
Même s’ils n’appartiennent pas à la même génération, les deux peintres ont noué une relation à la fois amicale, artistique et financière. Au moment où il peint le tableau, Monet a en effet pris un énorme risque financier en rompant avec sa tante Jeanne-Marguerite Lecadre qui finançait son travail, pour se tourner vers Courbet. « Monet a également été l’un des très rares artistes – ils n’étaient que trois – à rendre visite à Courbet lorsque celui-ci était prisonnier pour son engagement dans la Commune de Paris », explique Laurence Madeline, directrice de l’établissement. Les deux hommes se rejoignent enfin sur leur approche de la peinture et le refus des systèmes mis en place : Courbet a fait un pas de côté en 1855, en marge de l’exposition universelle, avec le pavillon du réalisme où il a réuni ses dernières œuvres, ouvrant du même coup la voie, une vingtaine d’années auparavant, au mouvement impressionniste auquel appartenait Monet.
Dialoguer avec L’Hallali du cerf
C’est cette relation que le musée a souhaité mettre en lumière à travers ce prêt. « C’était ce tableau là et pas un autre, Lance Laurence Madeline. Nous ne possédons aucun tableau impressionniste mais une belle collection d’œuvres de Gustave Courbet et il nous semblait intéressant de créer un dialogue entre les deux peintres. » Jusqu’au 2 juin, le fragment est accroché dans la salle du XIXe siècle du musée, sur une cimaise inclinée qui permet de faire une séparation avec le reste des peintures et de créer un lien visuel avec les œuvres de Courbet, notamment l’ Hallali du cerf. « Il s’agit d’un très grand tableau avec des personnages représentés plus ou moins à échelle 1, note Laurence Madeline. Le Déjeuner sur l’herbe est aussi une grande toile, avec non pas de personnages historiques faisait comme Courbet mais des personnages contemporains. Il y a donc une certaine parenté entre ces deux peintures et deux artistes qui n’ont pas peur du grand format. »
Autour du prêt de cette œuvre, un grand événement va venir ajouter du sens à ce tableau : l’organisation d’un Déjeuner sur l’herbe grandeur nature. La ville de Besançon et le musée profitent du dernier jour d’exposition, le 2 juin, pour organiser un grand pique-nique citoyen à l’occasion de l’inauguration de la place de la Libération végétalisée, sur laquelle se trouve l’ancienne Halle aux grains ouvrant le musée. « Cela permet de créer un dialogue avec la ville et ses habitants et de montrer qu’un tableau comme celui de Monet en 1866 résonne avec l’actualité d’une ville contemporaine où les citadins expriment un besoin de nature et de convivialité. », conclut Laurence Madeline.
Les 150 ans de l’impressionnisme également à Orsay
Le musée d’Orsay invite à replonger dans ses chefs-d’œuvre avec « Paris, 1874. Inventer l’impressionnisme », jusqu’au 14 juillet prochain. Cette exposition comptera près de 130 œuvres, dont des « incontournables » de Monet, Renoir, Morisot, Sisley ou Pissarro. Cette exposition sera ensuite présentée à la National Gallery of Art de Washington à partir du 8 septembre.
En parallèle, le musée propose une véritable immersion dans la soirée d’inauguration de l’exposition de 1874 avec « Un Soir avec les impressionnistes », une expérience en réalité virtuelle qui permet, pendant 45 minutes, de remonter le temps grâce à une reconstitution. de la soirée du 15 avril. Un cycle de conférences accompagne pour aborder l’impressionnisme sous un angle neuf et un colloque international, organisé les 16 et 17 mai avec la Fondation de l’université Paris Nanterre, explora les formes actuelles du mouvement artistique.